Inéligibilité de Marine Le Pen : question mal posée
- Henry de Lesquen
- il y a 2 jours
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Marine Le Pen est-elle coupable ? Doit-elle être inéligible ? La question est mal posée. On se focalise sur l’exécution provisoire en pensant à la prochaine élection présidentielle qui doit avoir lieu en 2027, alors que l’essentiel est ailleurs : il faut faire le procès du prétendu État de droit, faux nez du gouvernement des juges.
En effet, les faits sont établis. Le FN-RN de Jean-Marie Le Pen et de sa fille Marine a eu recours aux attachés parlementaires des députés européens pour les besoins du parti. Or, la jurisprudence est claire, elle assimile à des emplois fictifs, donc à un détournement de fonds publics, ces affectations étrangères au fonctionnement proprement dit de l’assemblée parlementaire. Cette jurisprudence avait été appliquée à François Fillon et au Modem de François Bayrou (bien que celui-ci ait été personnellement relaxé en première instance). Donc, madame Bénédicte de Perthuis et ses deux assesseurs du tribunal correctionnel de Paris, qui ont condamné Marine Le Pen le 31 mars 2025, ne pouvaient pas faire autrement. On ne peut même pas dire que la peine a été exorbitante puisque le détournement de fonds publics était estimé à 70 millions d’euros, ce qui n’était pas une bagatelle. En outre, il ne fait pas de doute que cette condamnation sera confirmée en appel et en cassation, au moins dans son principe. En l’occurrence, c’est une fiction de proclamer qu’elle est « présumée innocente ». La peine complémentaire d’inéligibilité est quasiment automatique dans ce cas. Donc, il n’y a au fond rien à redire à l’exécution provisoire décidée en première instance. Elle n’eût été contestable que s’il y avait eu de bonnes chances que Marine Le Pen fût relaxée en appel ou en cassation, ce qui est plus qu’improbable.
En revanche, il faut affirmer haut et fort que c’est la qualification des faits, et donc la jurisprudence, qui sont contestables. La liberté des parlementaires, qu’ils soient députés à l’assemblée nationale, députés européens ou sénateurs, implique qu’ils puissent disposer à leur gré de leurs collaborateurs. Dans le cas de François Fillon, on peut évidemment trouver abusif qu’il ait utilisé l’argent public pour arrondir les ressources du ménage en recrutant sa femme, mais on devrait plutôt estimer que « cela ne nous regarde pas ». D’ailleurs, après tout, la femme d’un député a bien un rôle de représentation dans la circonscription. Dans le cas du RN, c’est encore mieux : il n’y a absolument rien de choquant à ce que les députés d’un parti mettent leurs assistants parlementaires au service de celui-ci.
On dira que c’est contraire au règlement de l’assemblée dite « parlement européen ». Sans doute, mais ces dispositions sont abusives. Quoi qu’il en soit, la violation dudit règlement ne devrait avoir que des conséquences administratives, telles que des retenues sur le traitement, au lieu d’aboutir à un procès au pénal.
Et c’est là que le bât blesse. Les juges ne devraient pas connaître du fonctionnement des assemblées parlementaires. C’est contraire au principe de séparation des pouvoirs que l’on peut étendre au « parlement européen ». Celui-ci exerce un pouvoir législatif au niveau de l’union européenne. Sanctions administratives, à la rigueur. Poursuites pénales, en aucun cas !
Marine Le Pen a cru intelligent de se réclamer de « l’État de droit ». C’est le futur pendu qui fournit la corde. L’État de droit, traduction servile de l’allemand Rechsstaat, est une expression absurde autant que pléonastique, car il n’y a pas de droit sans État ni d’État sans droit. Elle sert en réalité à justifier les prétentions des magistrats à juger contra legem, contre la loi votée par le parlement, en invoquant un droit qui serait supérieur à la loi. Ainsi précisé, le prétendu État de droit est contraire à l’État légal qui est dans l’essence de la république française. Il est évidemment aussi contraire à la démocratie puisque les juges ne sont pas élus.
Les juges, de nos jours, ne se contentent certes pas d’appliquer la loi, ni même de rendre des sentences extra legem, dans le silence de la loi, ils n’hésitent pas à violer la loi en invoquant des « principes » qu’ils tirent de leur chapeau ou plutôt de leur idéologie, laquelle, malheureusement, est presque toujours cosmopolite et antinationale.
Pour en revenir au cas de Marine Le Pen, son père ayant échappé aux foudres des magistrats en montant au Ciel, il faut affirmer qu’elle est juridiquement innocente, que ce qu’elle a fait était légitime, qu’il n’y a rien à lui reprocher en ce domaine, et que les juges n’avaient en tout état de cause pas à en connaître. Il faudra modifier le code pénal pour préciser que les tribunaux ne sont en rien compétents pour tout ce qui relève du pouvoir législatif, et donc notamment du fonctionnement des assemblées parlementaires et de l’activité des députés ou sénateurs.
En vérité, il paraît tout à fait légitime qu’une condamnation pénale mette fin au mandat d’un élu, y compris à titre provisoire. S’il est établi, par exemple, qu’un maire a tapé dans la caisse de la commune, la moindre des choses est de l’empêcher de continuer à nuire. On se demande pourquoi, avec des arguties sophistiques, le conseil constitutionnel a fait exception pour les députés et les sénateurs, qui conservent, eux, leur mandat, au motif qu’ils prennent part à la souveraineté nationale. Un député sur 577 ne prend qu’une toute petite part à ladite souveraineté. Et un maire, de son côté, exerce une mission de service public avec des compétences de police judiciaire, ce qui n’est pas sans rapport avec la souveraineté nationale.
Quoi qu’il en soit, Marine Le Pen est déchue de son mandat de conseiller départemental, mais pas de celui de député. On se dit au passage que c’est tout bénéfice pour François Bayrou, premier ministre, puisque Marine Le Pen y regardera à deux fois avant de censurer le gouvernement. La censure pourrait en effet entraîner la dissolution, si le président de la république en décidait ainsi, le délai d’un an après la dissolution de juillet 2024 étant bientôt écoulé. Or, dans cette hypothèse, Marine Le Pen ne pourrait pas se représenter ! Elle ne serait plus rien. Elle ne serait plus député, elle ne serait plus président du groupe du RN à l’assemblée nationale. Elle ne serait même plus conseiller départemental. Donc, à moins de déloger Jordan Bardella de la présidence du parti, elle n’aurait plus rien. Elle n’aurait même pas le titre de candidate potentielle à l’élection présidentielle de 2027. À moins que la cour d’appel, qui doit se prononcer en 2026, renonçât à l’exécution provisoire, ce qui est peu probable.
S’il est normal que les tribunaux puissent mettre fin au mandat d’un élu condamné pour un délit ou un crime, c’est que la culpabilité de celui-ci n’était pas connue des électeurs lorsqu’il a brigué leurs suffrages avec succès. En revanche, il ne devrait pas y avoir d’inéligibilité pour un simple délit, qui est moins grave qu’un crime. Les tribunaux ne devraient pas se substituer au jugement des électeurs. On pourrait simplement disposer qu’un candidat qui a été condamné doit inclure dans sa propagande électorale un avis du tribunal faisant état de sa condamnation, du type de ceux qui sont publiés dans les annonces judiciaires.
Nous nous exprimons ici en toute objectivité. Car, si Marine Le Pen est innocente juridiquement, à notre avis, elle est coupable politiquement. Songez qu’elle a célébré la mémoire de l’horrible Simone Veil et qu’elle a voté l’inscription dans la constitution du droit à l’avortement, à la mise à mort des enfants innocents dans le ventre de leur mère. Qu’elle a rompu avec l’AfD, parti nationaliste allemand, parce que celui-ci avait mis la réémigration dans son programme. Cette femme de gauche a prostitué l’héritage de son père Jean-Marie. Giorgia Meloni, chef du gouvernement italien, a attendu d’être élue pour trahir. Marine Le Pen et Jordan Bardella ont pris de l’avance… ce qui n’augmente pas au demeurant leurs chances de l’emporter.
Très juste ! Il faut ramener la justice et les magistrats à une simple fonction d'autorité (ce n'est pas un pouvoir, même s'ils en rêvent...) et c'est déjà beaucoup. Comme disait de Gaulle à son ministre de la justice (Jean FOYER) : il y a d'abord la Nation, ensuite l'État, et autant que leurs intérêts sont sauvegardés, le Droit qui leur est subordonné..." > on en est bien loin ! Il faut donc les corseter et les museler. Merci.