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Photo du rédacteurHenry de Lesquen

Proche-Orient : faut-il soutenir Israël ?

Dernière mise à jour : 14 nov. 2023

Il y a beaucoup d’armées dans le monde, généralement une par État, mais une seule a droit à un petit nom affectueux, qu’on ne lui donne pas seulement dans son propre pays, mais aussi dans le monde entier, du moins dans les pays occidentaux : c’est Tsahal, l’armée israélienne. Ce détail est significatif. Il montre l’intensité de la propagande israélienne que nous subissons. Elle nous soumet à un matraquage permanent pour nous persuader que tout ce que fait ce petit État asiatique de création récente est excellent, admirable, conforme à la justice et aux droits de l’homme.

On nous présente « Tsahal » comme la meilleure armée du monde. Certes, elle a toujours vaincu les forces ennemies sans trop de mal, mais ce n’étaient que des armées arabes de piètre qualité et peu motivées. D’ailleurs, en fait, elle n’a même pas réussi à triompher au Liban du Hezbollah, qui est encore menaçant à la frontière nord d’Israël. Et elle ne s’est pas particulièrement distinguée lors de l’attaque du 7 octobre 2023, où elle a mis longtemps à réagir, laissant les soldats palestiniens venus de Gaza, qui avaient percé en de nombreux endroits une barrière qu’on nous disait infranchissable, massacrer plus de 1.000 civils israéliens et emmener plus de deux cents otages.

On nous a seriné que les services secrets israéliens, le Mossad et le Shin Bet, étaient les meilleurs du monde. Or, ils ne s’étaient pas doutés de l’attaque du 7 octobre, alors que celle-ci avait forcément été préparée par des centaines d’hommes depuis des mois. Comment cela a-t-il pu leur échapper ? De la même façon, lesdits services avaient été pris par surprise lors de la guerre du Kippour, en 1973, alors que l’offensive simultanée des armées égyptienne et syrienne impliquait au préalable une longue préparation, une coordination et des échanges multiples entre les deux états-majors, avec une mobilisation de leurs troupes… Donc, en réalité, le Mossad et le Shin Bet méritent le bonnet d’âne des services de renseignements. Il ne faut pas surestimer Israël.


Aussi odieux qu’aient été les massacres de civils israéliens commis le 7 octobre par les Palestiniens, il faut les relativiser au lieu de se laisser submerger par l’émotion. Ils sont peu de choses par rapport à ceux dont l’armée éthiopienne s’est rendue coupable au Tigré, dans une affreuse guerre civile ethnique qui s’est officiellement achevée en 2022 avec les accords de paix, la situation restant cependant tendue, ou par rapport à ce qui se passe encore quotidiennement au Yémen, ravagé par le conflit opposant les houthis aux loyalistes. Mais on ne nous parle pas beaucoup de ces deux sujets, objectivement bien plus dramatiques. La vie d’un Juif vaut-elle davantage que celle d’un Tigréen ou d’un Yéménite ? Ou encore d’un Arménien, puisque les tueries réalisées par les Azéris tout récemment dans le Haut-Karabakh n’ont guère eu d’écho ?

Il faut surtout se demander si la vie d’un Arabe palestinien vaut celle d’un Juif israélien. Pourquoi y a-t-il aujourd’hui plus de deux millions de Palestiniens entassés à Gaza dans des conditions misérables, enfermés dans un immense camp de concentration, rectangle de 40 km de long et de 10 km de large, et soumis à un blocus aussi bien terrestre que maritime ? Ce sont les descendants des malheureux qui ont dû fuir leur village en 1948, lors de l’indépendance d’Israël, pour échapper au nettoyage ethnique et à son cortège de massacres perpétrés par les fondateurs de l’entité sioniste. De surcroît, la contre-offensive israélienne a déjà fait près de dix fois plus de morts parmi les civils palestiniens qu’il n’y en avait eu le 7 octobre parmi les Israéliens. On n’est pas forcé de croire que ce ne seraient que des « dommages collatéraux », des accidents en quelque sorte, quand on sait que, selon le Talmud, seuls les Juifs sont des hommes, tandis que les non-Juifs, qualifiés du terme méprisant de Goyim, ne sont pas des hommes, mais sont assimilables à des bêtes (à des ânes, précisait gentiment le grand-rabbin d’Israël Ovadia Yosef).


Il faut poser la question politique avec objectivité et lucidité. Non, les prétentions des Juifs sur la Palestine n’avaient pas de fondement. Pourtant, oui, soixante-quinze ans après l’indépendance de 1948, la création d’Israël est un fait accompli qu’il faut accepter en tant que tel.


Les Juifs ont affirmé que la Palestine leur appartenait puisque leur dieu, Yahvé, en avait décidé ainsi, comme le rapporte la Bible hébraïque, l’Ancien Testament des chrétiens. Il est pourtant évident que les croyances propres à un peuple ou une communauté ne lui donnent aucun droit à l’égard des autres. Cette prétention était d’autant plus dérisoire en soi qu’elle n’était même pas conforme aux principes du judaïsme. Pour celui-ci, en effet, le retour des Juifs sur la Terre Promise ne devrait avoir lieu qu’à l’avènement du Messie. Par conséquent, les rabbins, qui restaient dans l’attente du Messie, étaient hostiles au sionisme. (Nous ne nous attarderons pas ici sur le cas des hérétiques sabbatéens, pour qui Sabbataï Zevi, mort en 1676, était le Messie, hérétiques qui ont joué un rôle non négligeable dans le mouvement sioniste.) La plupart des rabbins ont fini cependant par admettre la légitimité de l’État d’Israël après qu’il eut été institué, mais les plus orthodoxes continuent à la lui refuser.

Pour les chrétiens, à part certains protestants illuminés, assez nombreux aux États-Unis, pour qui le Christ reviendra quand tous les Juifs auront regagné la Terre Sainte, la question ne devrait pas se poser. Rappelons que le judaïsme actuel est celui des pharisiens dont parle l’Évangile dans les termes que l’on sait : « Engeance de vipères », « Fils du diable »… C’est le Christ lui-même qui parle, dans l’Apocalypse de Saint Jean, et qui condamne avec des mots terribles « ceux qui se disent Juifs », proclamant à deux reprises qu’ils ne sont pas de vrais Juifs, mais qu’ils sont la « Synagogue de Satan » (II 8-9, III 9). Tout le Nouveau Testament leur impute la mort du Christ sur la Croix, le Déicide. Ainsi, l’apôtre saint Paul : « Les Juifs ont mis à mort le Seigneur Jésus et les prophètes, nous ont persécutés, ne plaisent point à Dieu et sont ennemis du genre humain… Mais la colère de Dieu est tombée sur eux pour y demeurer jusqu’à la fin » (I Thessaloniciens, II 14-16, traduction Crampon). C’est l’Église qui est le Verus Israel, le véritable Israël, et c’est à ce titre que les croisés ont fait la conquête de la Terre Sainte. Ils ont si peu pensé à la restituer aux Juifs qu’à la prise de Jérusalem, en 1099, ils les ont tous brûlés dans la synagogue où ils s’étaient réfugiés. Ce n’était pas bien, il faut l’avouer, mais cela s’expliquait par le comportement des Juifs, qui avaient pris le parti des musulmans contre les chrétiens, comme ils l’ont toujours fait jusqu’à l’invention du sionisme à la fin du XIXe siècle. Depuis lors, la volonté des Juifs de prendre la Palestine aux Arabes les a brouillés avec ceux-ci et avec les musulmans en général.

Les Juifs nous expliquent que la Palestine leur aurait appartenu jadis, qu’ils en seraient partis contre leur gré, et qu’ils avaient donc bien le droit de la recouvrer. C’est une fiction historique. On sait maintenant, eu égard aux données archéologiques et aux sources extérieures, que l’histoire des Hébreux racontée par la Bible est une légende, du moins pour les événements antérieurs au règne de Josias au VIIe siècle av. J-C (cf. Israël Finkelstein et Neil Asher Silberman, La Bible dévoilée – les nouvelles révélations de l'archéologie, Bayard, 2002). La Bible hébraïque a encore moins de réalité historique que l’Iliade d’Homère puisque l’on sait, depuis les découvertes archéologiques d’Heinrich Schliemann, que la guerre de Troie a bien eu lieu. En revanche, les patriarches Abraham, Isaac et Jacob-Israël (ancêtre éponyme des Israélites), les rois David et Salomon, sont des personnages de légende et les splendeurs du règne de ce dernier sont pure affabulation. Moïse, lui, a peut-être vécu réellement, puisque l’historien égyptien Manéthon, au IIIe siècle av. J.-C., nous a dit qu’il avait pris la tête d’une bande de lépreux.

Sur le plan historique, les Juifs ne devraient donc se réclamer que du royaume de Juda, la Judée, soit le quart de la Palestine, et non point de l’ancien royaume d’Israël, devenu la Samarie, patrie des Samaritains que les anciens Juifs exécraient. Et n’oublions pas que la Palestine tire son nom des Philistins, ethnie indo-européenne ; celle-ci faisait partie des « Peuples de la mer » qui ont dévasté la Grèce et le Proche-Orient au XIIe siècle av. J.-C. et elle s’était justement installée dans l’actuel territoire de Gaza.

Mais il y a mieux. En effet, les Juifs actuels ne descendent pas de ceux qui peuplaient la Palestine à l’époque du Christ et ils étaient donc mal placés pour réclamer l’héritage de ceux qui n’étaient pas leurs ancêtres. Comme l’ont démontré Ernest Renan, Arthur Koestler et Shlomo Sand (Comment le peuple juif fut inventé, Fayard, 2008), les Achkénazes sont des Turcs khazars judaïsés, les Séfarades sont des Berbères judaïsés. L’Exil est lui aussi un mythe : les descendants des Juifs originels ne sont autres que les Palestiniens, dont les ancêtres se sont convertis au christianisme, puis à l’islamisme. Les Palestiniens sont bel et bien les autochtones de la Palestine.


Pourtant, la création d’Israël est un fait accompli et il convient de le reconnaître et de l’accepter dans l’intérêt de la paix. On comprend que ce ne soit pas le point de vue des Palestiniens, qui ont été dépossédés de leur patrie, mais ce doit être le nôtre. Il y a même lieu, au nom de ce principe de réalité, d’admettre sans barguigner que Jérusalem est la capitale de l’État d’Israël et que celui-ci inclut désormais le plateau du Golan qu’il a annexé en 1967.


On parle beaucoup de la création d’un État palestinien. C’est la position officielle du président américain Joe Biden, tout dévoué qu’il soit à Israël : la « solution à deux États », c’est-à-dire la création d’un État palestinien à côté de l’État israélien. Or, il y a déjà en réalité deux États palestiniens et on peut donc se demander s’il est bien utile d’en créer un troisième… Gaza est de facto un État indépendant, bien qu’il ne soit reconnu par personne, depuis qu’en 2007 l’Autorité palestinienne dominée par l’OLP y a été évincée par le Hamas. L’avenir dira si les Israéliens parviendront à le détruire, comme ils semblent en avoir l’intention. En tout cas, il est faux de qualifier le Hamas de mouvement terroriste. C’est le parti au pouvoir dans l’État gazaoui et les massacres commis par ses soldats ont été des crimes de guerre, non des actes terroristes.

Ces accusations de terrorisme ne manquent pas de sel quand on songe à l’histoire du sionisme. Deux anciens premiers ministres israéliens, Begin et Shamir, s’étaient illustrés à la tête de mouvements terroristes carrément extrémistes, l’Irgoun et le groupe Stern, sous le mandat britannique, et ils avaient du sang sur les mains.

L’autre État palestinien, c’est la Jordanie, l’ancienne Transjordanie, où les Palestiniens sont largement majoritaires et bien qu’elle soit dirigée par d’autres Arabes, qui s’appuient sur les Bédouins. La bonne solution serait de lui rendre la Cisjordanie, qu’elle avait avant 1967, ou ce qu’il en restera lorsque l’extrême droite israélienne aura réalisé ses rêves d’expansion.


Toute sentimentalité mise à part, puisque la politique doit être fondée sur les réalités et que nous devons nous soucier essentiellement des intérêts de notre nation, qui ne sont guère concernés en l’espèce, il faut considérer que le sort d’Israël importe peu à la France. Nous n’avons pas à prendre parti entre les Juifs et les Arabes. Nous ne devons donc pas soutenir Israël, mais rester neutres dans le conflit israélo-palestinien, tout en ménageant nos relations avec les pays arabes, comme le général de Gaulle l’avait fait. Cela ne veut pas dire que nous puissions avoir de la sympathie pour le Hamas, qui est la branche palestinienne du mouvement islamiste égyptien des Frères musulmans. Mais le fait est que le Hamas incarne aujourd’hui la résistance des Palestiniens contre Israël.

Certains voudraient nous enrôler dans une « guerre de civilisations » aux côtés d’Israël. C’est absurde. D’une part, on ne peut faire la guerre qu’à un État ou à une organisation, mais non à une civilisation, qui est une entité culturelle et non politique. D’autre part, l’État d’Israël est fondé sur le judaïsme. Or, cette religion est isomorphe de l’islam. Le judaïsme est un islam raciste, l’islam est un judaïsme universaliste. Ce sont deux religions orientales. Donc, l’État d’Israël appartient à l’Orient et non à l’Occident.

Soulignons au passage que la notion de « judéo-christianisme » n’a aucun sens, si ce n’est pour désigner les premiers chrétiens qui continuaient à judaïser, avant que saint Paul ne les ramène dans le droit chemin en prêchant l’abolition de la loi mosaïque. Notre civilisation occidentale est chrétienne, elle ne saurait être « judéo-chrétienne » et, s’il y a des valeurs chrétiennes, elles ne sont nullement « judéo-chrétiennes ».

Il est naturel que les Juifs français aient de la sympathie pour Israël, on ne saurait le leur reprocher, mais cela ne doit pas les conduire à faire passer les intérêts de cet État étranger avant ceux de la France. De plus, la binationalité est un scandale aux yeux de ceux qui ont une saine conception de la nation. Celle-ci demande une allégeance exclusive, elle ne saurait tolérer ni de près ni de loin une double allégeance. Par conséquent, les Juifs de France qui ont pris la nationalité israélienne, a fortiori ceux qui se sont installés en Israël, devraient être déchus sans tarder de la nationalité française. Mais ce n’est pas tout. Nous devons exiger de tous les Français juifs qu’ils se comportent comme de bons et de vrais Français, qu’ils soient Français autant chez eux que dans la rue, au rebours de la formule hypocrite vantée par Zemmour (« Juif à la maison, Français dans la rue », c’est-à-dire Français en apparence, Juif en réalité). Sinon, ils devront être tenus pour des Juifs français, c’est-à-dire pour des Juifs inassimilés qui sont en réalité des Français de papier.

Dans l’immédiat, cependant, nous devons appeler à une trêve humanitaire. Une fois n’est pas coutume, Macron a bien agi en faisant voter la France en faveur de la résolution adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies qui allait dans ce sens. Pour le reste, il nous suffirait d’observer les événements avec une certaine indifférence. Pourvu cependant que le pèlerinage en Terre Sainte reste libre et sûr pour tous les chrétiens.

N’accordons pas trop d’importance à ce qui se passe sur cette bande de terre entre la Méditerranée et le Jourdain où les Juifs sionistes ont tenu à émigrer. Ils ont fait sécession des nations d’Europe, dont la nôtre, qui les avaient accueillis. Ils ont pris une autre nationalité. Nous n’avons donc aucune responsabilité dans ce qui pourrait leur arriver et nous n’avons certainement pas à les aider si peu que ce soit.


Henry de Lesquen

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